Culture : Le véritable rôle des perles (un trésor culturel parfois mal exploité)
En Afrique, loin de faire office de simple bijoux, les perles constituent un trésor dont la valeure culturelle et le véritable role sont souvent ignorés
. Avec la tendance actuelle, les perles qui révèlent l’intimité ne valent pas plus que les boucles d’oreilles et les colliers. La seule différence avec les autres parures est qu’elles sont mises, en guise de ceinture, autour de la taille. Et pourtant... Découverte des vraies valeur des perles.
Les perles ne se portent plus à la taille. Elles descendent désormais jusqu’aux fesses des jeunes filles. Leur place ne se trouve plus en dessous des dessous mais sur les minis jupes, robes et pantalons ; surtout les pantalons en jeans. Les brillants grains du ‘’ékpoé’ et du ‘’gandjè’’ et les multicolores du’’ cicavi’’ ont laissé place à une nouvelle vague de perles. On parle désormais des perles ‘’djènana’’, cette perle qui dégage de la lumière dans l’obscurité. La seule rescapée des anciennes est le ‘’bébé’’ aux gros grains qui est désormais adaptée aux réalités de la nouvelle mode. Le rôle le plus sollicité chez les perles est de captiver les regards de tous les passants du sexe opposé. C’est ce qui confère à ces nouveaux styles, les appellations ‘’Toi et moi’’, ‘’Bipe-moi ‘’ ; ‘’appelle-moi’’. Il y a toutefois certains qui n’ont pas pour autant perdu le vrai sens du port de perles autour de la taille dans les sociétés africaines. C’est l’un des traits caractéristiques de la valeur de la femme. Dès sa naissance, la petite fille devait s’en accommoder. Les perles permettaient ainsi aux parents de suivre son développement physique. Elles dessinent ensuite ses rondeurs et modèlent la hanche en lui donnant de la souplesse. Plus tard, à la puberté, elles servent à tenir les couches traditionnelles (en pagnes) lors des menstrues. « Les perles protègent contre les mauvais sorts et les maux de reins. Une femme qui n’en porte pas est vulnérable» explique une vendeuse de parures et de perles au quartier agla de Cotonou. Etaprès le mariage, elles acquièrent des fonctions bien plus importantes.
La communication par les perles
« Lorsqu’une femme mariée porte les perles, c’est pour dire à son mari regardes-moi, je t’appartiens ». Voila le premier rôle des perles dans un couple selon toutes les mamans interrogées. Et les filles ayant reçu ce précieux legs l’utilisent à bon escient. « Je porte les perles quand j’ai envie de mon homme; ça m’aide à vite attiser ses désirs charnels » confirme Marina Adjan, étudiante en géographie. à dessein, certaines jeunes filles comme Théodule Agosso de la Fadesp n’en mettent que dans des situations délicates. « Je mets mes perles quand il y a mésentente entre mon chéri et moi. Et ca met fin a nos disputes car il comprend que je n’ai plus envie de me disputer avec lui. » Les perles sont ainsi un autre code de communication pour les couples. Elles expriment tous les types d’humeur et se portent donc en fonction de l’atmosphère qui prévaut dans le foyer. La manière la plus simple pour une femme de manifester une colère envers l’homme est de se les ôter. C’est d’ailleurs dans cette logique que celles dont les perles se cassent d’elles mêmes et de façon répétitive sont soupçonnées, dans certaines régions, d’adultère. Mais la façon de les mettre peut changer de sens à l’acte. Le sentiment de la femme est un facteur de choix dans la sélection de la couleur des perles et du nombre de tours de hanche qu’elles feront. Les hommes éveillés savent que c’est la perle de couleur rose qui traduit le mieux les besoins et les déclarations d’amour venant de la femme. Une étudiante en quatrième année de linguistique explique « lorsque je porte trois tours de perles à la taille, c’est pour faire comprendre à mon mari que je suis fâchée contre lui ». Et pour plus nous édifier, Odette Déguénonvo, une septuagénaire clarifie. « C’est un geste de déception que de faire un nombre impair de tours avec les perles». Le rôle des perles est bien plus grand que celui de ceinture qui leur est conféré aujourd'hui Par Victoire KPOGNON, Huguette ZOLLIN & Émeline AHEHEHINNOU